La grande histoire du fromage
Le premier fromage serait apparu à l’époque du néolithique, mais il n’était certainement pas prémédité ! Il est pourtant devenu absolument indispensable dans la gastronomie. Aujourd’hui, il nous est impensable d’imaginer un repas sans fromage ! Il est même devenu un emblème de l’art de vivre à la française : seulement 4% de la population déclare ne pas en consommer ! Retraçons le fabuleux destin d’un aliment pas comme les autres en compagnie de deux historiens spécialistes du sujet, Kilien STENGEL et Loïc BIENASSIS qui nous apportent leurs savoureux éclairages.
Aux origines du fromage
Il est difficile de déterminer avec exactitude à quand remonte l’invention du premier fromage. Ce que l’on sait, c’est qu’auparavant, son utilisation n’était absolument pas la même qu’aujourd’hui et qu’il aurait même été découvert complètement par hasard ! Les premiers fromages remonteraient à la préhistoire pendant le Néolithique, entre 6000 et 2200 ans avant notre ère.
Des preuves convaincantes montrent que la production laitière existait déjà en Égypte. Ainsi, la légende raconte que le mécanisme de fabrication du fromage a été découvert lors du transport du lait qui se faisait à partir de conteneurs confectionnés avec de la peau et des organes internes d’animaux. La présence de présure dans l’estomac de ces animaux aurait alors provoqué la transformation du lait en lait caillé et petit lait. Le fromage était né !
Seaux de crème et de lait
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À cette époque, le fromage a finalement répondu à une grande problématique : le lait caille vite et son temps de conservation est limité.
Les premiers fromages étaient alors des fromages frais, mais la production du fromage s’est ensuite largement développée au Moyen Âge avec la découverte de l’existence de la présure ainsi que de nouvelles techniques d’affinage, développées par les moines.
Fromage frais et yaourt
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La France, pays du fromage ?
À l’origine, le fromage n’était pas conçu pour ses qualités gustatives, mais bien pour pouvoir conserver le lait. Mais très vite, on s’est rendu compte que la France avait du potentiel pour produire son propre fromage.
Au Moyen Âge, période d’expansion du fromage, ce dernier était réalisé par des moines. Ce n’est donc pas un hasard si la plupart des grands fromages français sont de vieilles recettes monastiques : le Pont-l’Évêque, le Munster, le Maroilles, l’Abondance et bien d’autres encore. Dès le XVIIIème siècle sont apparus des fromages très connus et appréciés aujourd’hui tels que le Gruyère, l’Emmental, le Comté ou encore le Beaufort grâce au développement des fruitières.
À l’origine, les moyens de production étaient assez rudimentaires. Mais peu à peu, certains bergers ont décidé de se réunir dans des fruitières. Le principe ? Un atelier coopératif où les paysans pouvaient mettre en commun leur lait pour fabriquer des fromages locaux, de grande taille et de longue conservation.
De nombreuses techniques ancestrales ont ainsi été transmises de génération en génération comme on peut le voir à travers l’exemple des caves de Roquefort où il est important de respecter une certaine température et hygrométrie pour obtenir des fromages d’une qualité exceptionnelle.
Caves de Roquefort Société
Le fromage aujourd'hui en France
Les fromages font maintenant partie intégrante de notre culture. Si les Grecs arrivent en tête du classement mondial en matière de consommation de fromage (et notamment de Feta!), les Français arrivent en seconde position avec 24kg par an et par habitant, à la différence près qu’en France “notre consommation de fromage est beaucoup plus riche et diverse” comme le rappelle Loïc Bienassis. Notre pays compte plus de 1000 fromages différents. Ils s’invitent à notre table tout au long de l’année et de la journée : lors d’un brunch, d’un repas avec un plateau de fromages, d’une raclette, de la pause goûter… voire même au dessert !
La production du fromage s’est fortement accélérée au XXème siècle. C’est aussi à cette période que sont nées les appellations pour protéger le savoir-faire fromager. La France compte en tout 46 fromages AOP. Elle est même championne européenne devant l’Italie concernant ces « appellations d’origine protégée » qui garantissent la diversité et la richesse du territoire et des savoir-faire.
Plateau de fromage
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Vous aimez parler fromage ? Voici quelques anecdotes bien gratinées au sujet des plus célèbres d’entre eux :
- Le Comté AOP : ce fromage emblématique du Jura représente la meilleure vente des fromagers en France. Pour l’anecdote, il faut se pencher sur le Fort des Rousses et le Fort de Saint Antoine. Alors qu’ils abritaient à l’origine 3000 soldats et 2000 chevaux, ils hébergent aujourd’hui 120 000 meules de comté. Il est même possible de visiter ce lieu, en toute sérénité !
- Le Roquefort AOP Société Caves Abeille : selon Kilien STENGEL, c’est en 1411 qu’une Charte de Charles VI reconnaît la nécessité vitale de défendre le Roquefort "en un pays où ne pousse ni pied de vigne, ni grain de blé" ! En 1666, un arrêt du Parlement de Toulouse concède aux habitants de Roquefort "le monopole de l'affinage du fromage tel qu'il est pratiqué de temps immémorial dans les grottes dudit village" : la contrefaçon étant déjà punie d'une amende. Ce fromage de brebis à pâte persillée constitue le 1er fromage à avoir bénéficié d’une appellation d’origine. Loïc Bienassis précise à ce sujet que c’est le 26 juillet 1925 qu’a été publiée la « loi ayant pour but de garantir l’appellation d’origine du fromage de Roquefort », prémices des célèbres AOP que nous connaissons aujourd’hui. Mais alors comment le Roquefort est-il né? Selon la légende, un berger éperdument amoureux est parti à la recherche de sa bien-aimée. Il aurait cependant oublié son sac contenant un morceau de fromage et de pain de seigle dans la grotte du rocher de Combalou. Plusieurs semaines après, affamé, il découvre le fromage avec des tâches bleutées à cause de la moisissure, et se régala : le Roquefort était né ! Mais ce n’est pas tout, car voici l’une des anecdotes les plus improbables à son égard : dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, le Titanic a coulé. Plus de 50 tonnes de fromage de Roquefort étaient présentes à bord… ! Cette cargaison mythique appartenait à différentes maisons de Roquefort.
- Le Camembert de Normandie AOP : ce fromage à pâte molle est l’un des plus connu en France. Kilien STENGEL nous rappelle pourtant que “les fromages normands n'ont acquis leur popularité qu'à une date récente. Au XVIIIe siècle encore, les livres de cuisine ne les mentionnent pas, alors qu'ils citent abondamment ceux de chèvre, de Gruyère, de Hollande ou de Brie et surtout celui de Roquefort, « le plus estimé de tous et par conséquent le plus cher ». Et saviez-vous que le camembert n’a pas toujours eu sa forme actuelle ? A l’origine, la croûte fleurie du Camembert était... bleue ! Ce n’est que plus tard que vint l’idée de l’ensemencer avec du Penicillium candidum lui donnant ainsi sa célèbre couleur blanche. Mais sa popularité va bien au-delà de sa couleur, et toujours selon l’historien “il est certain que c'est à Marie Haret et à ses héritiers que l'on doit la célébrité de ce fromage qui a pris le nom de son village d'origine”. Depuis, les boîtes de camembert ont créé un réel phénomène de société : la “tyrosémiophilie”, ou le fait de collectionner les étiquettes positionnées sur le couvercle !
Le Conseil d'Émilien !
Voici quelques anecdotes qui vous permettront d’épater vos invités autour d’un bon plateau de fromages. À votre tour de parcourir notre site pour découvrir et partager l’histoire et la fabrication de vos fromages préférés !
Kilien STENGEL est enseignant-chercheur et spécialiste de la gastronomie à l’Institut Européen d'Histoire et des Cultures de l'Alimentation de l’Université de Tours. Il est l’auteur de l’ouvrage de référence “Traité du fromage en France : Caséologie, affinage et authenticité”, paru en 2014 aux éditions Sang de la Terre et dans lequel vous pourrez retrouver de nombreuses anecdotes passionnantes sur l’histoire de vos fromages favoris.
Loïc BIENASSIS est professeur agrégé d’histoire spécialiste de l’histoire de l’alimentation et membre de l'Institut Européen d'Histoire et des Cultures de l’Alimentation de l’Université de Tours. En 2019 il publie « Du brie de Charlemagne à la tarte renversée des sœurs Tatin : essai d’analyse des légendes culinaires et de leurs usages », un article paru dans In Situ, Revue des Patrimoines.
